RDC – Examen d’État 2023 : Qui a croqué la lune ?

RDC – Examen d’État 2023 : Qui a croqué la lune ?

Tribune de Gaéthan Kombi

Tels deux animaux écervelés, ne sachant comment déchiffrer une charade, les citoyens congolais sont de nouveau tournés en bourrique par un scandale « scandaleux » auquel ils peinent même à trouver une construction descriptive. En vrai, c’est indescriptible!

En effet, Jeudi dernier, faisant mon habituel cent pas le long de mon avenue, question de me dégourdir les jambes après une journée relativement tendue, j’entendîs des cris retentir de partout. Dans un premier temps je crus me retrouver devant un traditionnel jeu vespéral d’enfants. Mais non, « Il s’agît des diplômes de deuxième session qui viennent d’être publiés » , clarifia un des curieux qui venait de faire le Saint-Thomas dans une des clôtures où ça bouillonnait des liesses.

Afin de trouver une corroboration à ce que je venais d’entendre, je fus obligé d’abréger ma petite détente et renouer avec mon téléphone. Oui, une autre vague de diplômes vient d’être publié, confirmai-je, après avoir vu le statut facebook d’une cousine, qui avait déjà repris le cours, puisque « Sans informations » lors de la première publication des résultats. C’est donc vrai, il y a bien des nouveaux résultats. Du jamais vu!

Y aurait-il eu reprise de la correction pour aboutir à ces nouveaux résultats ? C’est en tout cas la conviction de l’Honorable Jean Paul Lumulumbu dont, dans le tweet du soir des nouvelles publications de résultats, s’est félicité de l’aboutissement de son pladoyer « au Gouvernement » pour les finalistes du Nord-Kivu. Avec un peu de discernement, il s’avère que, selon l’esprit des dires du député provincial du Nord-Kivu, « Les examens d’État ont été re-corrigés après recours ».

Or, pour le Ministre de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique, Tony Mwaba, il ne s’agissait là que de « la publication des résultats du cycle court et ceux des écoles hors frontières. Aussi, pour la toute première fois, la publication du Palmarès. » Une version reprise et éloquemment ventilée par ses communicateurs via plusieurs canaux. Un tohu-bohu !

Question : Comment expliquer que les élèves « sans infos » à la publication des résultats dans leurs zones éducationnelles en ont finalement eues ce jour là, à la deuxième tentative ?

En vrai, il y a baleine sous gravies. Rien n’est normal dans cette fumeuse histoire. Les congolais ont besoin d’explications. Dans cette tribune, j’essaie de me faire des idées à partir desquelles construire des analyses probantes.

D’abord, je m’arc-boute sur la première grogne exprimée par certains inspecteurs commis à la correction des examens d’État, qui avaient contesté les résultats publiés « alors qu’ils étaient en grève ». D’où viennent les résultats que publie le ministre ? S’interrogeait-ils à l’époque. Une question récupérée par mon esprit, et sans doute par celui des quelques chefs d’établissement qui disent avoir initié des recours pour revisitation des corrections.

Pour sa part, le Ministère de l’EPST dément toute sorte de re-correction des examens. Au contraire pour lui, « Les écoles auraient peut-être donné des faux codes aux élèves, avant de retrouver leurs noms sur les palmarès expéditivement publiés ». Mais dans cette petite tour de Babel, où chaque clergé veut prêcher pour sa chapelle, j’essaie, tout comme la majeure partie de l’opinion, de déceler le vrai coupable de cette nouvelle mise à mort de l’éducation congolaise, qui pourtant figure parmi les priorités du chef de l’État.

Un ministre « One man show »

La politique est un terrain glissant où chacun veut sauver son bilan, peu importe la manière. La solidarité gouvernementale est généralement une chimère qui ne tient que de la théorie. En pratique, tout s’évapore.

C’est ainsi qu’à la suite de l’obsession du Ministre des Finances de bancariser toute la charge salariale de l’Etat, les inspecteurs correcteurs des examens d’État n’ont toujours reçu leur paie des échéances passées. Et donc, il fallait, pour le ministre de l’ESU de trouver les mécanismes pour que les finalistes de l’édition 2022-2023 aient leurs résultats avant le début de la nouvelle année. Les aurait-il fabriqué à partir de son bureau ?

Si les inspecteurs correcteurs étaient en grève, qui auraient alors corrigé ces examens ? En tout cas pour le Ministère (accusé d’avoir fabriqué les résultats), « une commission spéciale d’inspecteurs a été montée pour ce faire, pendant que d’autres étaient bel et bien en grève ». Comment alors expliquer cette re-publication des résultats si les corrections n’ont pas été refaites ?

Tant de questions dont les réponses, comme il est d’habitude à chaque scandale au Congo, resteront enfuies silencieusement dans les esprits des porteurs.

Une récupération politique ridicule

Si le ridicule tuait, des politiques congolais, il en resterait qu’une petite frange manuellement comptable. La scène politique congolaise est souillée d’une infamie indescriptible.

Chose encore plus étonnante, à ce scandale, qui s’apparente à un crime d’État, une mise à mort de l’éducation nationale, pourtant un des piliers du développement d’une nation, certains « honorables députés » n’ont pas hésité, crapuleusement d’y jeter leurs petits grappins, comme ils en ont l’habitude sur toutes les marchandises socio-politiques.

Sauf que là, ils se sont appropriés, et peut-être bien mensongèrement, les mérites d’une infamie nationale. « Grâce à mon implication, le score est passé de 33 à 87% de réussite », se réjouissait l’un des élus du peuple dont la commodité m’exige de taire le nom. C’est quand-même bizarre, à la limite ignominieux que les élus du peuple, censés être les éclaireurs d’une société en obscurité, se gargarisent d’un scandale inédit, qui jette de l’opprobre sur l’éducation nationale et sur l’État lui-même. Des hommes d’État qui se félicitent de la profanation de ce dernier, au nom d’une politique électoraliste d’approche machiavélique ? Bienvenu au Gondwana!

À ce rythme, il m’est tout à fait difficile d’espérer une quelconque interpellation du Ministre de l’EPST à l’Assemblée Nationale pour des explications par rapport à ce scandale national. Les intérêts sont ailleurs!

Tribune