Guardiola : Une consécration à la renonciation

Guardiola : Une consécration à la renonciation

Où est passé le petit génie, au crâne chauve, bourré des certitudes et des suffisances ?

Le Pep Guardiola d’il y a une ou deux saisons est mort. Il en est ressuscité un homme tout neuf, qui sait tout relativiser, qui se remet en cause, qui pense que le monde n’est pas que lui. « Oui, je peux me tromper, et je me suis trompé ». Cette redondance, d’après chaque raté en Ligue des champions, depuis le camouflet de la finale en 2021 face à Chelsea où, dans son idéalisme légendaire, il voulut inventer la roue lors du match le plus important de la saison, Pep ne cesse de se remettre en cause.

Cette remise en cause, devenue pratiquement routinière, suivie des amendes honorables, lui permit finalement de rompre d’avec ses prétentions du « révolutionnaire du football ». Pep a, depuis lors appris à avoir peur. Peur de voir son équipe déjouer, ses plans dérailler… C’est surprenant, mais le Seigneur Pep a peur.

Bien défendre d’abord

Ce qui était son éternelle démarcation d’avec son éternel rival, en l’occurrence José Mourigno, est en fait devenue un relatif point commun. Le Guardiolisme et le Mourinhisme trouvaient leur point de dissension au niveau de la conception du jeu. Avec l’eternel débat : « La meilleure défense c’est l’attaque — La meilleure attaque c’est la défense ».

Deux points de vue diamétralement opposés, qui faisaint des équipes de Pep (très agréables à regarder) et celles de José (pragmatiques). Ce football champagne fut alors perçu comme l’innovation de Guardiola. Certains observateurs et admirateurs du « Tiki Taka » le baptisèrent même « Le football moderne », different du fameux « kick and rush » ventilé par les anglais avant l’avènement de Arsene Wenger, l’autre modernisateur du foot.

Cependant, malgré sa chatoyance, plusieurs déficits, notamment défensifs furent dénicher dans le jeu prôné par Pep Guardiola. « Face aux équipes qui défendent bien, bas, rapide et chirurgicale en contre-attaques, le Barça était prenable ». L’hypothèse fut confirmée en 2010 face à l’Inter, en 2012 face à Chelsea… Même leitmotiv au Bayern, où tout le monde fut conscient de l’apport de Guardiola au club, il révolutionna son jeu, sauf que contrairement à Jupp Heynckes, qui venait de gagner la ligue des champions quelques mois auparavant, Pep joue très bien, mais bute deux fois sur deux formations aux recettes Mourinhesques. Le Réal Madrid de Ancelotti et l’Atletico Madrid de Simeone étalent les limites de Guardiola qui, dans sa legendaire mégalomanie, refusent de l’admettre.

Un avant-centre pur, le mea culpa de Pep

Il débarque à Manchester City en 2016, il enchaîne des camouflets en ligue des champions, mais il apprend de chacun de ses déboires. Pep gagne certes le championnat, pratiquement tous les ans, mais il est conscient que le board n’investit pas près d’un milliard d’euros rien que pour la Premier League, en dépit du prestige et des revenus qu’elle renferme. Chaque saison démarre sur le chapeau de roue, mais tout le travail est remis en cause avec l’élimination en ligue des champions. « Il la gagnera jamais sans Messi, Xavi et Iniesta », certaines critiques vont même dans ce sens là.

Presqu’à une décennie de son arrivée à Manchester City, Pep Guardiola se voit dans la glace, il se remet en cause et miraculeusement, il se déjuge. Qui l’eût cru!

Le petit génie, mégalo de surcroît, finit par « renoncer » à deux de ses principes sacro-saints. Le Maître Pep parvient à relativiser ses préceptes, afin de se réinventer une nouvelle approche.

D’abord, il décide de se taper un pur avant-centre. Lui qui, par le passé, a exprimé toute son rejet envers ce profil de joueur rôdeur de la surface de réparation. Zlatan Ibrahimovic, Samuel Etòo, Kun Aguero, Gabriel Jésus…tous en ont eu pour leurs comptes. C’est devenu même un slogan : « Guardiola n’aime pas les avant-centres purs. C’est un profil qui ne l’interesse pas »

C’était de la folie puisqu’il pouvait être ultra dominateur dans le jeu, mais à certain moment on sentait qu’il lui manquait cet homme, ce pied, cette tête qui coupe les trajectoires des centres, ce rongeur qui est à la retombée de ballons dans la surface. Il a fallu près de 10 ans pour que « l’infallible » Pep s’en persuade. En acceptant l’arrivée de Erling Haaland, le technicien Catalan a élégamment exprimé son petit « mea culpa »

Bien défendre d’abord

Outre cette renonciation grandeur nature, Pep a également appris de son éternel antagoniste José Mourigno. Ça peut paraître loufoque, vu les antipodes qui séparent les deux hommes, mais cette saison, j’ai constaté que la priorité de City n’était pas de faire une passe à dix.

Il s’agissait avant tout de s’assurer de ne pas être en danger. Reduire la marge d’expression offensive de l’adversaire, ensuite faire preuve de pragmatisme devant. C’est beaucoup plus facile quand on a Haaland devant.

L’alignement de 4 défenseurs centraux sur le terrain, en plus de Rodri, dont le profil est également défensif, prouve que Pep a changé d’approche. Pour lui, bien défendre passe également avant tout. Ce fut d’ailleurs surprenant, pour plusieurs de voir City être dominé dans la possession par ces adversaires. À l’exemple de la finale face à l’Inter où les Citizens ont souvent, délibérément laissé le ballon à leurs adversaires, contre Arsenal en championnat, une situation similaire a été observée. L’avantage en est que : « City a de moins en moins le ballon, City est de moins en moins en danger, City est de plus en plus clinique », ainsi je conçois le nouveau Guardiola.

La peur de changement

Il veut toujours faire le génie et souvent il se tire lui-même une balle dans le pied. Pep est un perfectionniste qui se trompe quand il ne le faut pas… Autant de critiques ont été formulées à son égard, et il a bien compris que c’etait peut-être lui le blocage de City en ligue des champion.

Du haut de son statut d’entraîneur le plus titré, Pep a su limiter son influence sur les matchs. Désormais, il se décida de faire « simple », afin d’éviter les folies de son idéalisme, qui ont souvent plombé son équipe au cours d’un match.

Avec le peu d’humilité qu’il a en lui, il a évité de refaire ses mauvais coups du passé ( La non titularisation de Rodri en finale de C1 2021, le remplacement de Mahrez contre le Réal en demi-finale de la C1 2022…). Pep est devenu beaucoup plus sobre. D’ailleurs par peur de déséquilibrer son équipe, par ses propres décisions, comme par le passé, il effectuait au max un remplacement dans les matchs aux gros enjeux. Le comble est qu’il n’en effectuait même pas, sauf sur demande du joueur lui-même, comme De Bruyne et Stones en finale face à l’Inter.

Oui, Pep avait peur. Pas qu’en interprétant ses tressautements sur les bancs de touche, mais surtout dans sa gestion des matchs où la peur de prendre des décisions, de peur d’exploser tout l’équilibre de l’équipe était manifeste. À cette peur bleue, exprimée par le Maître, il faille ajouter l’humilité qui le caractérise. Cette humilité qui a fait que, contrairement aux saisons passées, il a laissé les joueurs (Haaland, Debruyne notamment ) être sur le devant de la scène. En fait, « le Guardiola fort que ses joueurs », à la présence étouffantes, toujours perçu comme le patron, le boss de tout le monde n’a pas disparu, mais il a diminué sa marge de présence. Cette saison, il a été plus dans l’ombre d’un Erling Haaland par exemple. La dernière fois que Pep a accepté cette relégation, c’est avec Messi à Barcelone.

Cette même humilité a fait qu’il se fasse complètement gueulé, sans réaction d’ailleurs, publiquement, en plein match contre le Réal par Kévine De Bruyne, qui visiblement, n’en pouvait plus de ses petits consignes à la « con ». PEP A EU PEUR, IL S’EST HUMILIÉ ET IL A GAGNÉ.

Gaéthan KOMBI

Sport