TSHISEKEDI a-t-il mangé un lion ?

TSHISEKEDI a-t-il mangé un lion ?

À l’heure de la revanche du pouvoir

Il est devenu systématiquement une routine, qu’au cours d’un mandat présidentiel, surtout vers sa fin, que l’on s’interroge sur la transfiguration d’un régime. Alors que les attitudes des dirigeants tendaient vers une forme de généralisation démocratique, d’un iota, par un effet boeuf, il s’observe un « recul démocratique » indescriptible.

Soudain, l’opinion, en majorité celle opposée au régime en place, puisque muselée dans son expression, tente d’emprunter les concepts les plus stridents pour maculer de sang criminel celui-ci. « Etat des proies« , « État vampire« , « Bavure démocratique« , « Dérives autoritaires« ….Autant de vocables pour peindre un tableau sombre du régime contre lequel on est aux antipodes.

Mais d’où vient ce basculement soudain, cette perversion du régime ?

C’est cette question à laquelle, nous essayerons de trouver une justification dans cette étude enracinée dans la politologie pure et l’anthropologie politique.

D’emblée, il sied de préciser qu’un système politique, aussi complexe soit-il, est fait d’hommes et par les hommes. Ceux-ci décident, délibérément, dans quel système politique ils doivent se mouvoir. Ansi, ils choisissent, entre-eux leurs propres dirigeants, lesquels sont soumis à une impérative rédevabilité.

Cependant, il se peut qu’à un certain moment, il s’observe une forme de travestissement du régime. Les autorités veulent prendre leur revanche, après quelques années de « soumission au peuple souverain« . Le pouvoir veut s’émanciper de l’emprise du peuple, comme si il n’y était pas naturellement lié. C’est cette étape politique à laquelle on attribue tous les concepts : « Dérives dictatoriales, …. »

Mais, pour mieux expliquer ce phénomène, qui s’observe dans quasiment tous les États, démocratiquement jeunes, les exemples étant légion, j’invoque cette célèbre conception du pouvoir de Amadou Hampaté Bah, selon laquelle, « Le pouvoir est comme de l’alcool. Après un premier verre, on est joyeux comme un agneau. Au second, c’est comme si on avait mangé du lion… »

La question principale de cet exercice est : Tshisekedi a-t-il vraiment mangé ce lion ? En est-il déjà à son second verre ?

Désormais, contrairement aux premières heures de son mandat, le régime du président TSHISEKEDI supporte de moins en moins des débordements à son endroit. L’époque de cette passivité, face aux innombrables « atteintes » à l’endroit du chef de l’Etat est révolue. Le Fatshi Béton, toujours jovial, et d’une permissivité légendaire est dépassé. En tout cas depuis le déclenchement de la grande crise rwando-congolaise.

Plus personne ne doit s’interposer à travers lui et l’idéal qu’il prône. Le ton paternaliste, nouvellement emprunté par président congolais a bien une explication. « Je ne suis pas celui dont on se moque, Je détiens l’Imperium, je suis le président« 

Cette tendance est observée depuis la résurgence de la crise face au Rwanda, une crise que Felix TSHISEKEDI croyait résoudre sur fond de certaines concessions. Qui sait ? Le PR05 ne s’est peut-être jamais remis de ce camouflet diplomatique lui infligé par le locataire de Kigali. Cela peut expliquer en quelque sorte, le nouveau TSHISEKEDI.

Après tout, c’est impossible de diriger un peuple sans une dose d’autoritarisme. Il est d’autant plus inimaginable que ça peut créer une véritable anarchie, un vrai bazar d’État. L’État est fait pour être là, pour chouchouter le peuple, et le chicotter quand il le faut. Ce n’est pas pour rien qu’il détient des appareils répressif. C’est surtout pour asseoir, au sein d’une société qui se délinque davantage, sa toute-puissance.

D’ailleurs, dans sa Correspondance, du 17 Avril 1765, Voltaire expliquait très bien ces caprices du peuple, qui méritent une relative présence musclée de l’autorité. « Le peuple ressemble à des boeufs, à qui il faut un aiguillon, un joug, et du foin. »

Il était donc impossible, que ce soit pour Joseph Kabila à son temps, tout comme il l’est aujourd’hui pour Felix TSHISEKEDI, Macky Sall ou même Emmanuel Macron, de supporter cette folie du peuple. Le pouvoir politique étant fait pour être démontré, les dirigeants investis de ce prestige se confrontent malheureusement à des éclusiers qui freinent l’expression de leurs prérogatives. Cette tentative de s’en libérer et de faire parler leur puissance « légitime » crée malheureusement une forme de collusion entre un pouvoir en revanche et une société exagérément indépendante.

Celui qui disait en campagne électorale que « Son accession au pouvoir coïnciderait avec la relaxation de tous les prisonniers politiques et d’opinions« , et qui d’ailleurs, à ses premières semaines de règne, a fait preuve de clémence et de grâce envers plusieurs délinquants, ne tolère plus, à ces jours, toute opinion malencontreusement prononcée contre lui et son clan politique. Les prisons, qui jadis s’étaient vidées, reçoivent de plus en plus des nouveaux clients.

Retenez alors, une fois pour toute que c’est l’heure de la revendication de l’égo du pouvoir. La toute-puissance de l’autorité revendique sa prépondérance. Conséquence, les critiques prennent la résonnance d’outrage au chef, les simples manifestations lui paraissent comme des grandes insurrections et les oppositions retournent aux oreilles du Souverain comme des attaques personnelles.

Assez, Assez, Assez! Ça y est, le deuxième verre est consommé, le Lion est tout avalé, les réactions du pouvoir ne seront plus les mêmes, elles sont désormais musclées. Fini la récréation comme scandait l’autre.

Gaéthan KOMBI, Politologue-Éditorialiste

Tribune