Drames de Kalehe : La chronique d’un État émasculé

Drames de Kalehe : La chronique d’un État émasculé

Un État, digne d’en être un, tire sa légitimité de sa capacité à assurer la protection de ses sujets, disait-on à l’epoque des monarchies, ou de ses citoyens dit-on depuis la république. Cette conception, prônée, nostalgiquement par quasiment tous les statologues, constitue le véritable baromètre d’un État. Elle en détermine même la raison d’exister.

Malheur est de constater que; Si l’on faisait aujourd’hui le ratissage de la scène internationale, en appréciant la viabilité des États qui s’y meuvent, plusieurs « quasi-État » comme la République Démocratique du Congo se verraient retirer ce prestigieux statut d’État. La RDC est remise en cause par le bas, en son propre sein par son incapacité à protéger sa population. Elle ne sait pas juguler les guerres qui coûtent la vie à ses millions d’habitants. Elle ne sait non plus mettre ses derniers à l’abri des catastrophes mortelles. Cette « émasculinité étatique«  s’est encore exprimée éloquemment le 4 Mai 2023 à Kalehe, et quelques jours après à Rubaya dans le Masisi.

Les autorités congolaises se réfugient derrière l’idée de « catastrophe naturelle » pour legitimiter leur incapacité à gouverner. Or, « Gouverner c’est prévoir ». Anticiper la survenance des catastrophes naturelles, en préparer la riposte à l’aide des leçons tirées des anciennes doit être le fort d’un État sérieux. Après tout, étant donné leur spontannéité, les catastrophes naturelles, qui viennent généralement de nulle part, et qui sont factuellement les résultantes des déviances de l’homme, sont impossible à dejouer du fait qu’elles ne dépendent guère de la volonté délibérée de l’homme.

Pour s’en preserver, l’homme admet, à priori l’existence des catastrophes et l’évidence d’une éventuelle prochaine survenance. C’est cette honnêteté qui justifie son action prospective. Une fois conscient du danger, l’homme trouve les voies et moyens pour anticiper, contourner et s’épargner. Il bâtit des infrastructures adaptées, il adopte un modèle de vie adapté à cette nébuleuse.

Mine de rien, ça fait des années que la République Démocratique du Congo, comme plusieurs autres pays en développement, subissent les gifles de la nature sans entreprendre une quelconque réaction. L’État congolais ressasse ses morts à chaque inondations, dans une renonciation frappante. Il renonce à sa puissance publique et ses missions régaliennes de protéger ses citoyens des catastrophes naturelles. Il inexiste en amont, mais également en aval, parce qu’il n’est même pas capable d’assurer une inhumation digne aux innocentes victimes de son « émasculinité ».

En vrai, l’État, qui est certes représenté par sa puissance publique, mais dont moi j’étends les grappins jusqu’au niveau d’autres organisations socio-politiques, a failli. Aux autorités investies de puissance publique et de ses prérogatives, s’ajoutent des organisations citoyennes de façade qui pourtant, ont comme rôle de sonner l’alarme et d’émettre des propositions constructives pour éviter telles catastrophes. Que dire de l’opposition politique en forme de coquille vide qui n’a rien d’autres à faire, à part récupérer politiquement tous les drames de ce type à sa propre guise. Dans le ton qu’elle emprunte, et surtout sa promptitude quand il s’agit des drames humains, il en ressort un certain opportunisme de vautours.

« La notion de l’être auto-ajusteur »

L’irresponsabilité est à tous les étages de la société, et d’autres catastrophes se préparent. Évidemment qu’elles arriveront. Un homme averti, en vaut deux dit-on

Mais, cet homme y croit-il? Est-il conscient de sa supériorité sur tout ce qui l’entoure?

Bien-sûr, les catastrophes naturelles transcendent la seule volonté de l’homme. Mais la marge d’ingéniosité que Dieu a mis en l’être humain est illimitée. Telle une vraie élastique, l’inventivité de l’homme peut s’élargir selon les limites lui fixées par l’homme lui-même. C’est delà même que je tire ma propre conception de l’intelligence.

Si consensuellement, l’intelligence est conçue comme « la capacité d’adaptation », je trouve cette conception rabaissante à l’égard de l’homme qui est censé en valoir beaucoup plus. À mon avis, L’homme vaut bien plus que sa seule capacité à s’adapter aux ramifications environnementales.

Un jour, dans une discussion avec les collègues du secondaire, dans le cadre d’un travail de dissertation sur la définition de l’intelligence selon Stephen Hawking Celle que je qualifier de « Rabaissante » ci-haut, j’ai ouvertement donné un point de vue contraire quant-à ce. Je reste persuader que l’homme « auto-ajusteur », celui que je tente d’idéaliser ne se limite pas qu’à l’adaptation. Cette représentation que je fais de l’homme, me pousse, pas à le surestimer ou à le sous-estimer comme toutes les conceptions antérieures, plutôt à l’estimer à sa juste valeur.

L’homme peut bien aller au delà et arriver à dompter la nature quoique caractérisée par une dense volatilité. D’où je me représente l’intelligence de l’homme comme « sa capacité à soumettre son environnement, plutôt qu’à s’y soumettre. À l’adapter à ses propres besoins plutôt qu’à s’y adapter. Bref: La capacité de l’homme à être maître de son environnement. »

De ce fait, partant de cette conception de l’homme « auto-ajusteur », j’estime que l’État congolais, et d’autres États qui subissent quotidiennement les catastrophes meurtrières, ne doivent pas se prévaloir de leurs inactions, du fait de l’étrangeté d’une catastrophe naturelle. Une bonne politique gouvernementale, tournée vers un aménagement territorial réfléchi et protecteur ainsi que les efforts étatiques dans la préservation de l’environnement peuvent, tant soit peu, permettre à l’État de créer un territoire vivable pour ses habitants.

Oui, l’État a encore failli, en amont comme en aval. Il est temps de capitaliser nos pertes, de rendre un honneur digne à nos disparus. Cela n’est possible qu’en se demandant  » Qu’a-t-on gagné avec ce qu’on a perdu ? » C’est l’unique question qu’un éprouvé qui veut avancer se pose. Elle permet, non seulement de se relever et de passer à autre chose, mais surtout de se servir de cette perte pour en éviter de grande ampleur dans le futur.

Gaéthan KOMBI

Chroniques Société