RDC : Les fâcheux propos de Antonio Guterres, mi-revoltant mi-révelateur. Debout congolais !

RDC : Les fâcheux propos de Antonio Guterres, mi-revoltant mi-révelateur. Debout congolais !

Tribune de Gaethan KOMBI/ Politologue et Analyste politique

La bonne analyse se doit d’être globale et contextualisée. Exploiter un seul côté d’un fait, d’un discours, et prétendre en dégager une compréhension satisfaisante, prédispose l’analyste au troncage de la réalité. Il est donc recommandé, scientifiquement, au chercheur, censé ou motivé à interpréter un fait d’actualité d’en balayer toutes les tendances contextuelles possibles afin de dégager une interprétation plus ou moins satisfaisante.

Les propos « scandaleux » du secrétaire générale de l’ONU ne passent pas, ils résonnent comme une pillule dure à ingurgiter, tout le monde s’en plaint et la colère est palpable dans la classe politique et citoyenne congolaise. Si les communiquants regrettent la bourde communicationnelle puérile de la plus haute personnalité des Nations Unies, à l’instar de Richard Muhima, chercheur en communication qui peste dans le sens où, selon lui, via un tweet, c’est « surprenant que tout un secrétaire général de l’ONU tombe dans un piège communicationnel en affirmant qu’en termes de munitions modernes, le M23 est au-dessus de la MONUSCO. Ceci dénote la légèreté avec laquelle la guerre de l’Est de la RDC est prise à l’échelle internationale »

Les politologues internationalistes n’en reviennent tout simplement pas, et même les citoyens lambda ne se remettent pas de cette sortie médiatique de Monsieur Guterres. Toutefois, loin des émotions et tensions vives, nous essayons tant soit peu, de faire une exhumation des non-dits ou des demi-mots dans ces dires controversés qui vont, certainement attiser de nouveau des remous en République Démocratique du Congo.

Pour ce faire, dans notre réflexe politologique, ces propos sont loin d’être un simple aveu d’impuissance. Ils sont surtout à entendre dans deux logiques; celle de l’accusation camouflée et du saupoudrage onusien longtemps entretenu. Passons au tamis ce deux donnes pour mieux appréhender la substance des mots « crus » empruntés par le SG.

« L’accusation Implicite et camouflée »

L’Organisation des Nations Unies semblent bien connaître la vraie identité du M23. Unanimement, en République Démocratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda sont pointés comme promoteur de ce mouvement « terroriste« . Personne n’écarte plus cette hypothèse au pays de Lumumba.

Dans la foulée du retour de Antony Blinken, le secrétaire d’État aux affaires étrangères des États-Unis, après sa tournée africaine conclue par des visites en RDC puis au Rwanda afin, à l’en croire, d« Éviter l’escalade plus sanguinolente des conflits entre les deux nations« , j’ai été convié, sur le plateau d’un média de la place dans le but d’évaluer les mérites et les insuffisances de ces visites diplomatiques américaines. Sans langue de bois, j’ai donné mon éternelle position sur la diplomatie « hypocrite » des USA eu égard au conflit Rwando-Congolais. A mon avis, j’estime que le Rwanda c’est comme Israël d’Afrique, c’est à dire cet enfant chéri, ce chouchou des États-Unis à qui il faut pas toucher ou lever un doigt.

Pour s’en persuader, il suffit de voir le revirement spectaculaire de la tendance américaine au sortir de la visite de Blinken au pays de mille collines. Celui qui, en arrivant en RDC, avait déclaré tout haut, du haut de la chaire que, « il avait des preuves solides et fiables attestant de la complicité entre le Rwanda et les rebelles du M23« , au grand soulagement de la partie congolaise, le même, deux jours plus tard, sans nul doute dans cette fameuse « hypocrisie diplomatique » des États Unis vis-à-vis de la RDC, est revenu du Rwanda avec un discours plus équilibriste et irréaliste. « La RDC doit également arrêter de soutenir les forces qui attaquent le Rwanda » avait-il déclaré, surprenant plus d’un. Mais si, pour l’implication du Rwanda dans la guerre en RDC, monsieur Blinken avait des preuves solides produites par des experts internationaux, pour celle soi-disant de la RDC dans la guerre « inexistante » au Rwanda, de quelles preuves s’est-il muni pour faire telles allégations ? Me suis-je interrogé vers la fin de cette émission.

C’était pour moi clair désormais que les États Unis ne jouaient pas franc jeu dans cette affaire. J’ai même corroboré la position de cette tendance populaire qui estime que le Rwanda n’est qu’un promoteur direct des guerres à l’Est de la RDC, mais que le vrai manager reste Washington et ses alliés.

C’est ainsi que, quand j’entends aujourd’hui, les dires tronqués de Antonio Guterres pour évoquer l’infériorité en terme d’armements de l’armée de la plus grande organisation internationale politique au monde face à une « simple rébellion » qu’est le M23, je me dis qu’il y a « anguilles sous roche« . Décidément, quelque chose nous échappe dans ces propos choquants

Comment la mission onusienne la plus importante peut avoir moins de munitions qu’un mouvement rebelle? s’interroge quasiment toute la RDC.

Au lieu de me triturer la cervelle avec cette question, moi, je confirme plutôt mes hypothèses de départ et je me sens plus complet dans mon postulat initial. « Le M23 n’est pas un mouvement rebelle typique«  Voilà la réalité qui reste enfuie dans les dires de Guterres. Diplomatiqment, le secrétaire général aurait peur d’avouer que cette rébellion est alimentée « militairement » par des grandes puissances. Si non, « comment expliquer que cette rébellion dispose d’un arsenal militaire plus consistant que celui de la MONUSCO? »

Le discernement est pourtant simple et la logique l’est tout autant. Si une rébellion est mieux outillée en terme d’armes et de munitions que la plus grande mission militaire de l’ONU qui demeure la plus grande organisation internationale politique, cela veut dire autrement que cette rébellion n’est qu’une partie visible de l’iceberg.

Le M23 sont plus qu’une rébellion. Cette force négative n’est que la partie que nous voyons. C’est comme un iceberg qui érige calmement dans l’océan. Nous, on ne voit que la partie visible, mais rien de la partie cachée qui est sans doute la plus importante et la plus décisive. Il est clair que des États puissants se servent de ce mouvement hostile à l’État congolais pour jouer leurs cartes en République Démocratique du Congo.

L’ancienne représentante du secrétaire des Nations Unies, madame Bintou Keita l’avait déjà compris quand elle déclarait, « Au cours des affrontements les plus récents, le M23 s’est comporté de plus en plus comme une armée conventionnelle que comme un groupe armé ». Ces propos, certes relativement moins explicites, en disaient déjà beaucoup sur la complexité de la guerre que la RDC mène face au M23. Qui sait? c’est peut-être à cause de ça que le pays n’attaque plus les positions de l’ennemi. Après tout, avant d’attaquer, il faut d’abord savoir contre qui tu te bats…

l’ONU, de la poudre de perlimpinpin

Existe-t-il réellement une organisation appelée ONU? Celle dont la principale mission est d’assurer la paix et la sécurité internationale ?

Encore en deuxième année de Graduat à l’Université, avions fait plus d’une journée entrain d’argumenter sur cette interrogation. Ma position était claire, l’ONU est plus un cadre de légitimation de la domination des grands sur les petits, du Nord que le Sud qu’une réelle organisation internationale dans laquelle se meuvent des États souverains, égaux et capables.

Point besoin de rappeler que, « les organisations internationales ne constituent pas un réseau homogène et intégré susceptible de s’imposer aux États, mais demeure très largement tributaire des forces qui l’animent et qui ne sont autres, pour l’essentiel, que celles des États » comme le disait Marcel Merle. L’ONU, en tête de série d’organisations internationales ne déroge pas à cette règle, elle est d’ailleurs la pure distraction qui puisse exister simplement.

Pour comprendre cette « existence réellement inexistante » de l’ONU, j’ai l’habitude d’expérimenter la fameuse « théorie de la photo tombale » du professeur Phidias Ahadi. Plus on se persuade à tord que cette organisation internationale existe, plus on s’enfonce nous même dans un leurre. Son existence n’est qu’apparente, réellement c’est un vide redondant.

La seule différence entre son existence apparente et à l’époque où elle n’existe carrément pas, c’est simplement du fait qu’elle constitue selon P.F Gonidec « un cadre permanent où les États peuvent confronter leurs conceptions, un forum international où les intérêts divergents des États peuvent s’exprimer, un instrument destiné à faciliter la coopération entre États demeurés pleinement souverains« 

Oui, le Général De Gaule avait raison, « l’ONU est machin » . Si elle n’est pas à mesure de juguler une rébellion au Congo ou de dissouader ses promoteurs, en quoi existe-t-elle ?

Le temps est venu

Les propos de Antonio Guterres doivent mettre la RDC devant ses responsabilités. Non pas parce que l’ONU via la MONUSCO a failli, mais plutôt parce qu’elle n’a jamais existé, seules les souverainetés des États comptent et existent réellement. Et donc, il est temps que les dirigeants congolais, la société civile et toutes les classes vives bravent cette hypocrisie onusienne afin d’extirper le pays de l’amnésie internationale. N’est-ce pas que « les problèmes congolais ne seront résolus que par les Congolais eux-mêmes » clame-t-on tout le temps? Alors, prenons nous en charge et redonnons sa grandeur à la RDC.

Tribune