RDC-GOMA: manifestations anti-MONUSCO, devrions-nous avoir honte? (Tribune)

RDC-GOMA: manifestations anti-MONUSCO, devrions-nous avoir honte? (Tribune)

Goma, encore Goma, comme s’il n’y avait que Goma pour être l’épicentre de toutes les horreurs. La retentissante lutte anti-MONUSCO a refait surface en début de cette semaine et nous en sommes déjà à l’inventaire des dégâts.

Tribune de Gaethan KOMBI

« La Monusco doit partir et on s’en fout de la procédure, d’après tout, on ne la connait même pas. » C’est tout ce qu’on peut retenir mécaniquement de ces « agitations » populaires.

Ces manifestations soudaines dénotent l’inexistence de la classe citoyenne en République Démocratique du Congo. Une mise à nu dont on devrait avoir honte.
Après tout, quel homme dénudé n’a pas honte de sa nudité ?. « Où sont les CITOYENS ? En tout cas moi j’en vois pas! Ceux qui s’approprient ce nom n’en sont que des contrefaçons. » tweetions-nous le lundi, dans la soirée des premières manifestations.

Intoxication et déferlante

La marque de fabrique d’un peuple dénoué de tout esprit citoyen est d’abord la facilité à se laisser intoxiquer. Le venin politicien a été craché et dans une soudaineté éclatante, la masse a suivi.
Intoxiquée ou envenimée, d’un coup de baguette magique, les masses se sont soulevées.

Un autre reflet d’une société en panne de citoyenneté où le militantisme n’existe que dans les cas rares. Une idée que partage l’écrivain français Jean Pierre Charbonneau.
« Le militantisme est encore l’affaire d’une minorité. Il y a évidemment des exceptions : elles surviennent lors de moments forts, empreints d’une grande charge émotive ou symbolique, ou quand sont en cause les intérêts sensibles des gens.
Ainsi, de temps à autre, l’indignation, la colère, le ras-le-bol provoquent un fort désir de changement ou, à l’inverse, une forte résistance qui s’exprime par de grandes mobilisations et un militantisme temporaire effervescent. Mais, à part ces moments magiques, la mobilisation générale, celle de la majorité silencieuse, est rarissime. Entre les sursauts de conscience et d’engagement, on assiste à de grandes périodes d’apathie et de désintérêt durant lesquelles la solidarité citoyenne est absente
. »

Pour des causes routinières, avec une moindre récupération politicienne, seuls quelques activistes de la société civile s’en imprègnent. À l’inverse, lorsque la demande de résistance vient explicitement des politiques, l’engouement est beaucoup plus important à telle enseigne qu’on s’interroge sur la capacité mobilisatrice des mouvements citoyens, qui pourtant, semblent mieux incarner les vraies revendications de la population. Qui mobilise mieux ? Est-ce les mouvements citoyens ou les politiciens ?

Pour répondre à cette question, abordons, la mobilisation de ce lundi a Goma va pour nous édifier.

MONUSCO : Une bonne marchandise politique

Le passage du président du sénat, Modeste Bahati Lukwebo à Goma n’est pas passé inaperçu. Il s’en est fallu d’un petit « il est grand que nous nous prenions en charge seuls, parce que 22 ans après, nous continuons à nous poser des questions sur la raison même de la présence des 20 milles casques bleus chez nous. » Seulement quelques heures après, la désescalade a bel et bien suivie. Il n’a même pas fallu une demande explicite à manifestation pour que les rues soient bondées.

Blessante soit-elle, mais notre hypothèse est davantage confirmée. Dans nos sociétés relativement sous-développées politiquement, où la politique embrasse quasiment tous les domaines, où le taux de chômage est d’un niveau vertigineux, « un simple venin craché par un politicien envenime beaucoup plus que celui de plusieurs mouvements citoyens. » Hélas, pour la plupart, c’est par intérêt individuel et partisan qu’ils le font.

La tournée du patron de l’AFDC à l’Est était décisive, qui plus est, à quelques mois des élections. Qui sait, il fallait peut-être se trouver une marchandise politique à offrir à la population.
Pour ça, tel un bon politicien, sans doute admirateur de Ponce Pilate, le Professeur Bahati Lukwebo a décidé de donner aux Nord-Kivuciens ce qu’ils réclament depuis des lustres, « le départ de la Monusco« .
Une première dans l’histoire de la mission onusienne au Congo de voir un ponte du régime en place, en plus président de la deuxième chambre du Parlement cloué au pilori ce que d’autres qualifient de « partenaire fiable de l’État pour la paix et la sécurité« . Qui de mieux placé que lui pouvait bien excité la tension froide des Gomatraciens qui ne faisaient jusque-là que regarder les jeeps de la Monusco en chienne faïence. Quel génie !

Un peuple mal éduqué?

« Au lendemain de chaque manifestation, les initiateurs, les organisateurs et les promoteurs devraient se voir dans les miroirs et avoir honte de l’aboutissement de leur entreprise » disais-je à un des organisateurs de cette fameuse manifestation « Anti-Monusco« .
« Ne vous détournez pas de votre vraie mission. Vous n’êtes pas là que pour soulever mécaniquement la population à chaque fois que vous faites des cauchemars la nuit » ai-je rétorqué à un autre.

Au moment où le système éducatif congolais est lacunaire sur ce point, au moment où les écoles ne constituent guère les instruments par excellence d’éducation civique et citoyenne, les mouvements citoyens, la société civile qui devraient normalement s’y substituer dérapent également. L’éducation civique et politique des populations dont le niveau de compréhension des évènements est beaucoup trop bas semblent être le cadet de soucis des mouvements citoyens.

Au lieu de faire comprendre aux peuples mal éduqués que; la RDC est liée à la MONUSCO via un accord de siège signé avec l’ONU et que l’initiative est venue en grande partie du pays lui-même ; Que nous sommes en plein terrain échelonné des troupes onusiennes signé d’ailleurs par le gouvernement de la RDC et la Monusco depuis le 15 Septembre 2021… Voilà autant d’informations qu’il faille donner à cette population qui ne sait rien, ni des enjeux et moins encore de la cible à suivre au lieu de la surchauffer pour aller s’en prendre à la mauvaise cible.

Alors, n’est-ce pas une incongruité de suivre les propos « creux et hypocrites«  d’un politicien qui était aux affaires quand cet accord de « retrait progressif » a été signé par le gouvernement dont il a été lui-même l’un des principaux formateurs? Pourquoi se laisser manipuler aussi facilement ?

Résultats ; Faute d’éducation citoyenne, toutes nos manifestations « fondées ou non fondées » dégénèrent toujours. Ceux qui sont appelés les mobilisateurs, initiateurs et promoteurs de manifestations appellent citoyens révoltés ou manifestants, s’adonnent aux actes de vandalisme et de barbarie qui s’écartent totalement de tout esprit citoyen.

Tribune