Mukwege fait du Tshiani, à sa manière

Mukwege fait du Tshiani, à sa manière

Les problèmes que connait le République Démocratique du Congo et leur tendance d’irrésolubilité font remonter les discours identitaires depuis une certain moment. L’agression du pays par le Rwanda, un Etat dont les ressortissants se sont, à un moment de l’histoire déversés au Congo, n’a fait qu’exacerber ce débat du degré d’attachement des uns et des autres à la mère patrie.

Par Gaéthan KOMBI

La loi Tshiani, dite de « père et de mère » en est une belle illustration. La motivation « substantielle » de cette dernière étant de préserver l’État congolais et ses institutions sacro-saintes des infiltrations étrangères, cette proposition de loi est malheureusement, de par les catégorisations y faites, politiquement discriminatoire. Même si on peut se dire qu’ailleurs (Aux États-Unis…) des restrictions plus importantes sont imposées à l’accession aux postes de souveraineté.

La première souillure politique de Mukwege

Il y a quelques heures, une déferlante des propos du genre « identitaire » a re-alimenté la société politique congolaise. À l’insoudieuse qualification de « candidat des étrangers«  portée par le président Felix Tshisekedi à son challenger Dennis Mukwege, une réponse, à mon avis surprenante et démesurée est venue du Prix Nobel de la paix. Sans doute outrée (émotionnellement) par l’importance de la grossièreté.

« Je suis le plus congolais de tous«  , a conclu Dennis Mukwege, après une dense argumentation autour de sa « congolité importante ». De cette réaction, qui m’a laissé sans voix, j’ai réfléchi sur la différence qui pouvait exister entre la catégorisation des congolais faite par le Réparateur des Femmes et le sénateur Noel Tshiani dans sa fameuse loi sur la congolité.

« C’est malheureux que les gens qui vivent en Europe, qui n’ont pas d’adresse au Congo puissent me traiter de candidat des blancs. Je crois que le contraire serait vrai. Je suis le plus congolais de tous«  , est persuadé Dennis Mukwege pour qui, sans travestir ni porter un jugement tendatieux à ses propos, « Les congolais de la diaspora seraient moins congolais que ceux vivant au Congo«  .

Il n’y a donc pas assez de différences entre « la hiérarchisation des congolais«  faîte par Noël Tshiani et celle pensée par le Dr Dennis Mukwege. La seule petite démarcation est que la première tient du critère biologique alors que la deuxième tient de la résidence. Tous les deux acteurs politiques admettent l’existence d’une catégorie des congolais plus supérieure à d’autres.

Ma seule inquiétude est que j’estime que le Dr Dennis Mukwege ne maîtrise guère les contours de la scène politique congolaise. En témoigne cette sortie médiatique, qui a mon avis est ratée et teintée d’amateurisme dans la communication politique. Qui plus est, avec sa casquette de Prix Nobel.

Il est évident que ses adversaires, qui potentiellement, ne seront pas revêtues des mêmes vertus morales et de mêmes interdits que lui, vont le chercher. Ils vont, à travers des attaques minutieusement montées, amener le très respecté Dennis Mukwege à compromettre de lui-même sa probité morale.

« Il aurait pu garder son statut de Prix Nobel… », a regretté le ministre de Communication Patrick Muyaya, qui va forcément être obligé d’en découdre politiquement avec l’homme qui incarne la sagesse et la droiture au pays. Or, connaissant la particularité de la scène politique congolaise, caractérisée par une impudence à la fois langagière et verbale, j’ai peur de voir la sainteté du Réparateur des Femmes s’y compromettre. « Même la plus saine des propretés n’a de pouvoir sur une grande saleté« 

Tribune