Répressions du 30 Août : Les crimes de la peur d’État

Répressions du 30 Août : Les crimes de la peur d’État

Tribune de Gaéthan KOMBI/ Politologue

La matinée du mercredi 30 Août 2023 fut sanguinolente dans la partie boréale de la ville de Goma. Les manifestations prévues par les thuriféraires de la secte Foi naturelle judaïque et messianique pour exiger le départ de la MONUSCO et des forces de l’EAC du territoire congolais, ont laissé place à une boucherie humaine, faisant au moins 50 morts selon les rapports de certaines organisations de la société civile combinés au récit des populations.

Mais, comment en sommes-nous arrivés là ? Peuvent s’interroger des citoyens congolais qui n’en reviennent toujours pas.

Le passé éclaire

Dans cette tribune, nous cherchons à denicher le « Pourquoi » du « Comment » de cette folle dégénérescence.

D’emblée, il sied de noter que les manifestations publiques sont constitutionnelles. L’État est donc appelé à les encadrer, pas à les réprimer, encore moins dans le sang. Sauf que, et c’est là que se situe l’éternelle confrontation entre le droit et la politique, l’État de droit et la raison d’État, dans le régime de gestion de l’ordre public, l’autorité administrative jouit du pouvoir d’interdiction de toute manifestation allant dans le sens contraire de sa principale mission, celle de préserver l’ordre public. Hélas, de cet équilibre, nait souvent des accrochages entre l’État et les manifestants, pour des dégâts humains et matériels colossaux.

Toute fois, selon la théorie de la proportionnalité de la riposte de l’État face aux protestations qu’il juge « inopportunes« , l’usage d’armes à feu est tout à fait proscrit, face à des manifestants non armés. L’ordre donné (de tirer ) ne répondait donc à aucune logique.

La peur du passé

Rappelez-vous de la milice Kamwina Nsapu, qui est née d’une défiance de l’autorité de État et dont la confrontation avec le pouvoir étatique a fait des milliers de morts aux Kasaï et dans des provinces avoisinantes. À l’ époque, en 2016, nul n’a vu venir cette barbarie. Autant la riposte de l’État fut disproportionnée, autant la barbarie des miliciens fut injustifiée. La somme de deux a laissé place à une boucherie humaine entre d’une part un État congolais qui voulait affirmer son monopole de violence dans une région qui l’échappait, et d’autres part, une milice qui ne voulait perdre son territoire d’influence.

Contrairement aux Wazalendu, une secte religieuse, les Kamwina Nsapu formaient un groupe ethnique qui s’est lancé dans un affrontement frontal contre l’État congolais. Le point commun de deux réside seulement au niveau du recours aux pratiques fétichistes pour une invulnérabilité.

Tout fait compte, il est clair que l’État congolais ne minimise plus la capacité de nuisance des sectes traditionalistes, qu’elles soient armées ou pas. Autant le pouvoir s’est réveillé tard pour dissuader les Kamwina Nsapu ou les Bundu Dia Mayala, autant aujourd’hui la réaction de celui-ci est follement et peut-être déraisonnablement proactive.

L’État congolais a peur de revivre le chaos de 2016-2019 dû du fait des mouvances expensives des sectes traditionalistes. D’où, sa réaction a été immédiate, et malheureusement disproportionnée.

Tribune