« Conflict Minerals Inc. » : ce livre qui décrit le combat contre le « minerais de sang » à l’Est de la RDC

« Conflict Minerals Inc. » : ce livre qui décrit le combat contre le « minerais de sang » à l’Est de la RDC

Apres la ville de Bukavu, Christoph N. Vogel a présenté à la ville de Goma, le samedi 10 septembre dernier son nouveau livre « Conflict Minerals Inc. ». Ce livre, qui est actuellement qu’en anglais, est basé sur une thèse doctorale de l’auteur et qui décrit l’échec des organisations internationales dans leur combat contre le « minerais de sang » à l’Est de la RDC, riche en ressources minières et en proie à des violences et conflits armés depuis plusieurs décennies.

Christoph N. Vogel. Crédit : David Kasi.

Jeans bleu, pantoufles et un t-shirt blanc floqué le célèbre « Tshukudu », Christoph s’est présenté en simpliste devant plusieurs dizaines gomatraciens et quelques blancs venus écouter en quoi parle son nouvel ouvrage. Ces échanges ont été initiés par la maison d’édition locale Mlimani.

Au XXIe siècle, la relation entre les conflits violents et les ressources naturelles est devenue un sujet de débat public et universitaire intense.  Grâce à un activisme fervent et à des campagnes internationales, le cas phare des minéraux de conflit a attiré l’attention du monde entier. Ce terme regroupe l’étain, le tantale, le tungstène et l’or artisanaux provenant des zones de guerre en Afrique centrale. Connus sous le nom de minéraux numériques pour leur utilisation dans la haute technologie, leur exploitation et leur commerce ont été désignés dans de nombreux médias et rapports des Nations Unies comme l’un des principaux moteurs de la violence, provoquant un tollé populaire sans précédent et suscitant des efforts transnationaux pour promouvoir un commerce éthique et sans conflit.

En se concentrant sur l’est de la République démocratique du Congo, « Conflict Minerals Inc. » est la première analyse complète de ce phénomène. Basé sur une enquête méticuleuse et un travail de terrain à long terme, ce livre analyse les raisons pour lesquelles la campagne contre l’exploitation minière non éthique a dérapé et a radicalement perturbé l’économie politique de l’est du Congo. Il dissèque l’évolution du paradigme des minéraux de conflit, les réponses politiques qu’il a déclenchées et leur impact sur les minerais artisanaux.

« Livre débouche des différentes recherches que j’ai faites depuis 15 ans dans cette région et qui ont soulevé une multitude de questionnements notamment pourquoi les différentes guerres et l’insécurité ne prennent pas fin », a déclaré l’auteur dans une interview exclusive avec http://le-renouveau.net. « Dans ce contexte, le terme ‘’ minerais de sang ‘’ ou le narratif de minerais de sang a pris une position très dominante et importante dans les discours notamment au niveau international sur la RDC. Cela m’a donc animé de comprendre un peu mieux comment ce narratif fonctionne et sur quelle base réelle ce narratif a été construit. », a-t-il ajouté.

« Les minerais ne sont pas à la base de guerres en RDC »

À travers ce livre, Vogel démontre comment le plaidoyer et la politique occidentaux se sont appuyés sur des cadres coloniaux pour conduire le changement, et comment le sauve-qui-peut blanc perpétue la violence structurelle et l’inégalité à travers les chaînes de valeur et d’approvisionnement mondiales.

Christoph N. Vogel et l’artiste slameur Ben Kamuntu lors de la présentation du livre à Goma. Crédit : David Kasi

Selon le livre, les minerais ne sont pas à la base de guerres en RDC, qui ont commencé depuis les années 90 lorsque le commerce de minerais est devenu important « même s’ils (minerais) ont joué un rôle dans l’évolution de guerres ». Suite à l’évolution du narratif du « minerai de sang », il y a eu beaucoup d’initiatives qui ont été mises en place pour assainir le secteur minier qui ont, implicitement et parfois explicitement, promis aux congolais autant qu’au public occidental que cela mettrait fin aux groupes armés et à la guerre. « Dix, douze ans après, nous voyons malheureusement que ces initiatives n’ont eu aucun impact sur la question des conflits. Pire encore, quelques mesures ont rendu la vie, des communautés qui dépendent du secteur minier encore plus difficile qu’avant dû à un monopole des industries internationales qui étaient implantées dans le cadre de la traçabilité. », a regretté Christoph, d’origine allemande.   

Si les minerais ne sont pas à la base des conflits armés à l’Est de la RDC, Il y a des facteurs qui sont des racines qui ont existé avant que les guerres aient commencé et il y a d’autres dynamiques. « Pour vraiment les racines, je pense que c’est une question historique, coloniale, post coloniale, géo politique, gestion politique locale, coutumière … qui forment vraiment une multitude de raisons qui ont amené, avec aussi l’arrivée des génocidaires du Rwanda, à contribuer à la création de ces conflits. Les minerais sont juste une possibilité de revenu », a-t-il souligné.

« La solution serait une analyse très profonde et plus honnête des raisons et des causes. À toutes les congolaises et à tous les congolais de savoir que leur histoire doit être écrite par eux même. Ils doivent aussi aller au-delà de certaines distractions, de travailler sur ce le chantier principal qui est le Congo », a pensé Christoph concernant la solution à ces multiples conflits incessants.

Christoph N. Vogel est un enquêteur primé sur les conflits en Afrique centrale. Il est directeur de recherche du projet « Insecure Livelihoods » à l’université de Ghent, et a travaillé avec les Nations unies. Christoph est titulaire d’un doctorat de l’université de Zurich et a contribué à la création du groupe de recherche sur le Congo à l’université de New York.

« Conflict Minerals Inc. » sera traduit prochainement en français par Mlimani Edition, qui est une maison littéraire qui a pour mission de redonner vie aux ouvrages des congolais et africains et de réduire le cout d’achat de ces livres.

David Kasi

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