Youssoupha sur la RDC : «…je me dis que nous ne sommes pas à la place où nous devrions être. Il y a du talent, de la créativité…»

Youssoupha sur la RDC : «…je me dis que nous ne sommes pas à la place où nous devrions être. Il y a du talent, de la créativité…»

Depuis le 8 Avril, le rappeur franco congolais, Youssoupha Mabiki, a dévoilé «Neptune Terminus : Origines », son septième album qui met en couverture son enfant Malick, dessiné en astronaute et portant un écusson United States of Africa. Chez nos confrères de Jeune Afrique, ce natif de Kinshasa a parlé sans vergogne de tant de sujets sans oublier son pays d’origine, la RDC.

De «  Amapiano  » à «  Paradis  » en passant par  » Meilleur  » ou encore  » Zaïre « , les mélomanes du prim’s parolier passent un mois d’avril de rêve. Dans les collones du journal panafricain  » Jeune Afrique « , Youssoupha a statué sur certaines punchlines qui ont marqué l’opus. Parmi elles,  » Je n’ai pas choisi d’être Zaïrois, en réalité j’ai eu de la chance  » , extrait du titre « Zaïre « , seule chanson, aux côtés de  » Amapiano « , à être déjà clipée.

 » Je suis né au Zaïre, ce nom un peu pompeux que j’aime bien « , s’est exprimé le rappeur.  » Quand je suis arrivé en France, c’est une origine qui était beaucoup stigmatisée sur notre manière de nous habiller, notre musique enjouée et nos sons de plus de dix minutes, notre manière de parler fort…J’aurais pu être complexé « , a-t-il poursuivi avant de souligner l’apport :  » Or, cette culture m’a apporté la fantaisie, l’exubérance, la créativité, la tradition. J’en suis fier « .

Youssoupha était née à Kinshasa en 1979. Son père est la légende de la musique congolaise Tabu Ley Rochereau et sa mère, dont il évoque souvent dans ses tubes, est originaire du Sénégal. Dans l’entretien, une autre punchline,  » J’voyage partout sur la terre, pourtant Kinshasa me manque, mais qui est notre président ?« , l’a rattrapée. À la question de savoir son rapport avec la RDC aujourd’hui, le Lyriciste Bantu n’a pas passé par 4 chemins.

 » Un rapport intime et passionné « , a-t-il dit.  » Je suis un enfant de là-bas, aujourd’hui un ambassadeur culturel. À la fois j’aime trop ce pays, où je vais plusieurs fois par an. Et aussi je me dis que nous ne sommes pas à la place où nous devrions être. Il y a du talent, de la créativité, de la compétence « .

Son regret ? :  » Je déplore le fait que notre énergie et toute notre ambition ne soient pas toujours mises au service du meilleur pour ce pays. Il y a des choses qui vont mieux. Le changement de président a fait beaucoup de bien. Les congolais se sentent mieux représentés. Maintenant il faut que ça se concrétise dans leur vie quotidienne « .

Youssoupha en concert, ph. Droit tiers

Dans cette interview accordée à JA, c’est la partie dédiée à la RDC que Youssoupha a semblé se sentir à l’aise et en a profité pour cracher tout ce qu’il pensait de son pays d’origine, notamment sa culture.  » Le Congo a pris trop de retard dans ses infrastructures et aussi dans la mise en avant de sa culture. La Rumba est entrée au patrimoine immatériel de l’Unesco, mais les studios et les salles de concerts ne sont pas dignes d’une nation aussi grande musicalement « . Le père de Malick et Imani ne s’est pas arrêté par là :  » Pour l’université, la santé, les écoles, l’accès à l’électricité, les voies de communication..c’est pareil. Le potentiel est là, mais on est encore dans du rattrapage. Il y a sûrement eu une absence de volonté et de compétences de certains. Et ça m’arrache le cœur. Je suis persuadé qu’on mérite mieux. Comme disait Lumumba :  » Le Congo est grand et il exige de nous de la grandeur « . Ce mot là je me le suis fait tatouer sur le poignet « .

Youssoupha va-t-il quitter Bomayé Musik ?

Un autre sujet poignant qu’il n’a pas empêché de parler sur, c’est son label Bomayé Musik qu’il a initié avec Philo, son producteur.

 » Nous avons mis du lingala dans la bouche des gens en reprenant la phrase scandée lors du combat entre Ali et Foreman. C’est le nom de notre label car sa création est une histoire de conquête, montée à l’époque où notre major nous avait virés. Un label avec lequel on a eu du succès et participé à la congolisation du rap français « , a-t-il répondu par rapport à l’origine du concept.

Dans le titre  » Zaïre « , une phrase continue à défrayer la chronique :  » Aujourd’hui je dois quitter Bomayé « , a affirmé Youssoupha. Sa réponse ? Énigmatique.

 » Nous sommes dans une phase de mutation avec Lassana Diakité et Philo. Nous créons chacun des entités tout en gardant cette maison familiale qu’est Bomayé Musik, avec laquelle on n’exclut pas de faire des choses qui vont encore traumatiser le game « .

Youss compte donc lancer un nouveau label qui aura comme nom Wethe99.  » 99 c’est le code de département de ceux nés à l’étranger, qu’on nous disait d’inscrire à l’école…et c’est une référence au slogan des manifestants : We are the 99. Une formule pour contrer le fait que 1% de la population mondiale possède la majorité des richesses. Un déséquilibre social qui crée des tensions partout dans le monde « , s’est il expliqué.

Avec ce nouveau départ, Bakary Potter rêve au-delà de la musique :  » C’est une structure qui n’est pas qu’un label de musique. J’ai envie d’éditer des livres, de faire des expos, de contribuer à des films, etc. C’est une maison des arts basée à Abidjan, dont l’activité va commencer dans les prochaines semaines « , a promu Youss à la fin de l’entretien.

David Kasi

Culture