Tribune: Arretez de les traiter des Caméléons ou prostitués

Tribune: Arretez de les traiter des Caméléons ou prostitués

L’inconstance politique n’est pas un vice, plutôt une des vertus politiques les plus irréfutables. La politique tire sa beauté et sa laideur dans son dynamisme. Pour un politicien, sauter d’un navire à un autre paraît, à la vue de la majeure partie de la société, celle qui a érigé la constance politique en la principale des vertus politiques, indécent, et même ridicule.

En République Démocratique du Congo, ce phénomène est régulier. Les opposants d’hier rejoignent le camp de gouvernants et vice versa. La frilosité des éclusiers idéologiques, ou mieux leur inexistance en est le premier élément déclencheur. Ces errances politiques, pour autant qu’elles existent, jetent un discrédit à la politique. Elles sont parmi les éléments clés de la crise de represantativité et la déconnexion de plus en plus spectaculaire des populations vis-à-vis des questions politiques qu’elles qualifient coleriquement de « jeu d’inconscients »

Les déambulations des hommes politiques paraissent toujours moches, d’autant plus qu’elles envoient un signal négatif d’une politique à la seule tendance « opportuniste« . La société retient ou perçoit un politicien qui quitte son camp pour un autre comme un « opportuniste » en quête d’un repositionnement ou des intérêts précis. Point besoin de revenir sur la longue liste des opposants les plus coriaces qui, en récompense de leur basculement vers le pouvoir, on hérité des portefeuilles ministériels et d’autres avantages du pouvoir.

Les exemples sont légion en République Démocratique du Congo où, comme dans la plupart de pays en développement, l’Administration publique sert d’outil d’attraction et de récompense à l’apanage du regime afin d’étouffer la résistance et anéantir l’opposition. Cela se justifie par le nombre de citoyens qui, à force de changer de tendance politique, protégent leurs postes dans l’Administration ou y accèdent en guise de récompense pour leur mutation.

Le dernier cas en date, en parlant des défections d’un camp politique pour un autre, est celui de André Alain Atundu. La RDC entière a été plongée dans l’ébahissement en apprenant que l’un des Kabiliste rudes et intransigeants venait de rallier l’Union Sacrée propre à Felix TSHISEKEDI. Cette nouvelle a plus choqué l’opinion qu’elle ne l’a contenté. « Si Alain Atundu peut aussi défecter, c’est que le monde tend véritablement vers sa fin«  , a notamment regretté un tweetos qui visiblement a été horifié par cette énième mauvaise image renvoyée par la politique congolaise.

Alain Atundu

Ces va-et-viens sont inhérents à la carrière d’un leader politique congolais, Vital Kamerhe. Le président national de l’UNC s’y identifie. L’opinion elle-même l’y identifie. De son nom, rien que pour ses aller et retour, naquit le néologisme « Kamerheon », en référence au Caméléon, un animal reconnu pour sa facilité à changer de couleur, selon l’endroit où il se pose. Rien que pour avoir côtoyé presque toutes les couleurs politiques au pays, l’ancien DirCab de Joseph Kabila et Felix Tshisekedi est aujourd’hui considéré comme le plus grand caméléon politique en RDC, le roi de l’inconstance.

Dans cette analyse, avec le peu d’expériences que nous avons en la matière, nous venons nuancer cette perception relativement « furtive » et truffée des préjugés à l’égard des politiciens « nomade ». Il serait irrationnel et ridiculement insensé de conclure que tout acteur politique qui défecte l’opposition politique pour la majorité au pouvoir, ne vise autre chose que les intérêts liés au pouvoir, ou encore, un acteur politique qui quitte le pouvoir pour l’opposition le fait pour prendre sa revanche. C’est généralement cette cette perception qui s’impose dans la société. Et pourtant, à la base, les hommes et femmes politiques, tout comme toute autre personne, physique ou morale, revendiquent des valeurs et des convinctions à la base. Le fait de croire, systématiquement, qu’ils ne sont inféodés qu’aux intérêts, est une perception tronquée, malheureusement nourrie par une population intoxiquée par le venin de certains leaders d’opinion ignorants ou véreux.

Il peut arriver, par la force des choses, que les valeurs ou les convictions d’un acteur politique, qu’il soit au pouvoir ou à l’opposition, entrent en dissonance avec les nouvelles visions de sa tendance politique. Dans ce cas, il peut simplement et sans aucune arrière-pensée relative aux intérêts, défecter la tendance politique à laquelle il appartenait. L’autre raison qui peut pousser à une défection c’est le conflit sur les réels besoins de la population. Individuellement, un acteur politique peut trouver que sa famille politique a perdu de vue ce qu’il conçoit comme intérêt général de la population. Dans ce cas, il peut logiquement défecter. Ces cas, et tant d’autres, qui sont passés sous silence, démontrent que la population, manipulée et intoxiquée, s’alivre à des conclusions parfois « irréfléchies » sur les phénomènes de « défection politique« .

En vrai, pour ma part, j’estime que normalement, dans une société encline au progrès, au développement, à l’évolution continue, le dynamisme, l’inconstance politique devrait être la règle. Si les hommes eux-mêmes sont dynamiques, la société aussi, pourquoi pas les acteurs politiques? J’estime donc que l’inconstance politique ou le transhumance, comme certains le disent, ne devrait pas être vue nécessairement comme un fléau. Elle n’est pas forcément la résultante d’une mauvaise éducation politique, elle est aussi la marque d’une intelligence politique, au vrai sens du terme. Cette intelligence qui se définit consensuellement comme « la capacité d’adaptation » inspire alors l’acteur politique. Il prend en compte ce facteur pour s’adapter aux nouvelles ramifications socio-politiques. Cela peut faire appel aux changements continus de camps politiques, surtout dans notre multipartisme souple et cafouillé de centaines de partis sans réels éclusiers idéologiques.

De Gaéthan KOMBI

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