L’idée de créer des projets économiques autour des ressources naturelles du Congo pour promouvoir la paix en Afrique centrale est séduisante et s’inspire directement de la démarche européenne avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). La CECA avait pour but initial d’intégrer les industries essentielles à l’économie de la guerre, le charbon et l’acier, entre la France et l’Allemagne, afin de réduire les risques de conflits armés et de construire une coopération régionale durable. Cette stratégie a favorisé la paix et la prospérité en Europe de l’Ouest en créant des interdépendances économiques et en instaurant une gouvernance supranationale.
Pourquoi une initiative similaire pourrait-elle être bénéfique en Afrique centrale?
Interdépendance économique et réduction des tensions : En Afrique centrale, où des tensions politiques et ethniques divisent souvent les pays, la création d’une structure économique commune autour des richesses du Congo pourrait encourager les États de la région à coopérer plutôt qu’à entrer en concurrence. Cette approche pourrait réduire les conflits liés au contrôle des ressources minières et énergétiques, en particulier dans des zones stratégiques comme celles du cuivre, du cobalt, ou des hydrocarbures.
Stabilisation politique par le développement économique : Une structure de coopération économique pourrait générer des emplois, renforcer les infrastructures régionales (routes, réseaux électriques, etc.) et améliorer le niveau de vie des populations. Ce développement pourrait atténuer les frustrations socio-économiques, qui sont souvent des causes sous-jacentes de l’instabilité et des conflits en Afrique centrale.
Renforcement de la gouvernance régionale : En créant un organe supranational similaire à la CECA, les pays d’Afrique centrale pourraient institutionnaliser une gouvernance des ressources naturelles. Un tel organisme permettrait d’harmoniser les politiques minières, fiscales et environnementales, tout en assurant une répartition équitable des revenus issus des ressources du Congo.
Diminution des interventions étrangères conflictuelles : La richesse minière du Congo attire de nombreux intérêts étrangers, ce qui alimente indirectement les conflits dans la région. Une organisation régionale forte pourrait limiter l’influence des acteurs extérieurs en définissant des règles de transparence et en gérant collectivement les ressources. Les défis potentiels
Cependant, un tel projet rencontrerait des obstacles importants :
Fragilité institutionnelle : Contrairement à l’Europe de l’Ouest d’après-guerre, l’Afrique centrale souffre d’institutions faibles, de corruption endémique et de défis sécuritaires. Mettre en place une gouvernance stable et transparente des ressources nécessiterait un engagement fort et des réformes structurelles.
Différences politiques et rivalités régionales : Les pays d’Afrique centrale ont souvent des relations diplomatiques tendues et des systèmes politiques variés. Cette hétérogénéité pourrait compliquer la mise en place d’une structure supranationale acceptée par tous.
Défi de la répartition des ressources : La gestion des revenus miniers est complexe et pourrait créer de nouvelles tensions, en particulier si certains pays estiment que la répartition ne leur est pas favorable. Une transparence et un consensus fort seraient nécessaires pour éviter les frustrations.
Résistances internes et externes : Les élites locales qui bénéficient actuellement des systèmes de rente pourraient s’opposer à un projet qui mettrait en cause leur influence, tout comme certains partenaires étrangers, dont les intérêts pourraient être compromis.
Bien que difficile à réaliser, un projet économique centré sur les richesses naturelles du Congo, avec une vision de gouvernance partagée et de coopération, pourrait être une voie vers une paix durable en Afrique centrale. Ce modèle pourrait s’inspirer des réussites et des écueils de la CECA, en tenant compte des spécificités de la région et des défis uniques qu’elle présente. Un tel projet nécessiterait un cadre solide pour la transparence, la justice sociale, et un soutien international ciblé pour favoriser les réformes institutionnelles et accompagner le développement.
Emmanuel Ndimwiza