Mwami Balan, humoriste congolais basé à Goma, est à la fois directeur de Goma Rire Festival et fondateur de l’académie éponyme. À une semaine du grand gala de la quatrième édition de son rendez-vous du rire à Goma, il a tenu à parler de sa carrière, la naissance du festival et de l’académie et de se projets futurs.
Dans la galaxie des évènements culturels qui illuminent Goma dans d’autres coins de la RDC et de l’Afrique, Goma Rire Festival est l’un de stellaires les mieux éclatants. Depuis 2019, il donne l’espace aux artistes humoristes locaux de dévoiler leurs talents devant leurs confrères de la région de grands-lacs africains. Ce projet a permis à Mwami Balan, son directeur et lui-même humoriste, d’asseoir son statut de l’un des humoristes les plus en vogue dans la ville touristique et se faire connaitre dans l’industrie culturelle congolaise. Pourtant, il y a une décennie, il ne se voyait pas être un humoriste professionnel.
Tout commence quand Mwami est encore élève au secondaire. Il est extraverti et est considéré comme l’élève le plus dérangeur de sa classe sans se douter que c’était de l’humour. Le déclic vient quand son école organise un évènement culturel. Après avoir demandé de l’argent pour faire un sketch, Mwami se retrouve à devoir rembourser ses camarades parce que son sketch « n’avait pas fait rire »
« Il m’avait donné 500 FC. J’avais fait un spectacle nul », a avoué Mwami dans notre entretien exclusif. « Après, ils sont venus et m’ont dit que je n’ai pas fait rire les gens et que je dois remettre l’argent. J’avais déjà bouffé 200 FC et je ne restais qu’avec 300 FC que j’ai remis. Ils avaient failli me battre. Depuis, je me suis dit que dois faire mieux ».
Faire mieux, c’est se professionnaliser. C’est ainsi qu’en 2016, Balan a pris conscience de son talent, qui lui permettait déjà de payer certaines factures. Depuis, il a parcouru un long chemin pour devenir l’artiste humoriste qu’il est aujourd’hui. Parmi ses réalisations dont il se sent fier figure la journée internationale du rire qu’il a organisée en 2018 à Goma avec ses amis. Sur la liste, il y a sa pièce « SAUVEZ LES VOYOUS », dont il est en tournée depuis 2021. Cette pièce aborde des questions sociales, économiques et politiques de plusieurs pays africains.
« Je suis très heureux aujourd’hui. Il y a de camardes qui sont fiers de moi et me disent souvent : on savait que tu serais humoriste un jour. Et moi, je ne savais pas du tout que je le serais. Je peux dire que j’ai une belle carrière », s’est-il remémoré sans regret.
Goma Rire Festival, la vitrine pour les humoristes locaux
La journée internationale du rire qu’il a organisé en 2018 sera à la base des réflexions pour un festival. En 2019, Mwami Balan décide de passer à l’action en prenant « l’initiative avec d’autres amis de faire de lettres de partenariats avec plusieurs organisations pour mettre sur pied le festival ». Heureusement, quelques partenaires ont décidé d’accompagner le projet et la première édition s’est tenue avec « succès ». L’objectif du festival est de promouvoir les humoristes locaux de Goma pour leurs permettre d’être vu à l’extérieur et d’avoir les opportunités.
« Depuis que Goma Rire Festival existe, nous avons désormais des humoristes locaux qui prestent à l’international et cela nous rend très fier », s’est justifié fièrement Mwami quand on lui a demandé de faire le bilan du projet. « Goma Rire Festival fait venir les humoristes de l’extérieur de la ville de Goma et de la RDC qui partagent avec ceux d’ici. Après, ils ont des opportunités d’être invités dans les évènements internationaux. Sans Goma Rire Festival, aucun humoriste de l’extérieur ne viendrait pas à Goma et les gens ne pouvaient pas savoir qu’à Goma il y a des humoristes. C’est grâce à Goma Rire Festival qu’il y a toutes ces opportunités que vous êtes en train de voir », a-t-il ajouté.
Les trois dernières éditions de Goma Rire Festival ont aidé aux humoristes gomatraciens de se rencontrer avec les grands noms de la discipline de la région de grands-lacs. Parmi eux, on peut citer Charly Kem’s, Ronsia KUKIEL, Michael Sengazi, Joyeux Bin Kabondjo, Aida …. Qui respectent le premier critère pour participer dans Goma Rire Festival, « être de la région de grands-lacs, avoir une casquette internationale qui va vous permettre de partager de l’expérience avec les humoristes locaux ».
Pour cette quatrième édition, le casting est alléchant. Autour des locaux Binet Paul, Esher Queen, Prisca The Drunker ou encore Alain Esongo, Mwami Balan, Michael Sengazi, qui revient, et Herman Amisi font figure de têtes d’affiches. Au menu, 3 spectacles. Le 12 et le 13 mai ça sera à l’institut français de Goma et le 14 mai, c’est le jour du grand gala du rire dans la grande salle du collège Mwanga.
Passé dans les moments troubles entre la RDC et ses pays voisins, cette quatrième édition de Goma Rire Festival aura comme thème : « L’autre, c’est moi ». Pour les organisateurs, c’est une façon de faire passer le message de cohésion sociale et de paix dans la région de grands-lacs.
« Concernant les moments difficiles que traversent notre pays par rapport aux conflits armés qui perdurent depuis plusieurs années, pour moi, l’humour est le moyen par excellence de brassage de peuple parce qu’il parmi les meilleurs arts du monde dont un pauvre, un riche, tout le monde rit à la même fois, pour une même blague », a déclaré Mwami avant de poursuivre : « Nous rassemblons plusieurs communautés qui rient pour une blague. Pour cette année, comme pour les éditions précédentes, nous allons accueillir les artistes venus du Rwanda, du Burundi et de la RDC ».
Ambitieux, Mwami avec son équipe veulent faire de Goma Rire Festival « d’ici quelques années » un évènement de référence en Afrique. « On travaille bec et ongles pour que ce rendez-vous soit la référence », a-t-il rassuré.
Goma Rire Académie pour former les humoristes de demain
Depuis 2 ans, Mwami a créé avec les membres du festival une école de l’humour, la première en RDC. Goma Rire Académie est un moteur de création d’humoristes professionnels. Cette académie enseigne l’humour aux jeunes, qui deviennent ensuite la main-d’œuvre du festival. Les enseignements se passent en ligne et en présentiel, avec des enseignants du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Togo, et des étudiants à Goma, Bujumbura, Kigali, Kinshasa et à Brazzaville. Les enseignements durent 9 mois, ponctués d’un stage d’un mois que l’étudiant passe dans un centre culturel de son choix. Après, il présente son travail lors d’un spectacle solo.
« L’idée de créer l’académie est venue du festival car pendant le festival on organisait des ateliers pendant une semaine. Après, on a constaté qu’avec une semaine, ça ne suffisait pas pour outiller quelqu’un » a –t-dit. À lui de continuer : « Nous nous sommes dit pourquoi ne pas créer quelque chose de durable. C’est pourquoi on a créé l’académie qui enseigne l’humour aux jeunes qui, après, ils seront les mains d’œuvre dans le festival. »
Mwami Balan prévoit également de présenter un spectacle d’humour dans « un stade en 2025 », pour fêter ses dix ans de carrière, et de continuer sa tournée africaine cette année. Avec sa passion pour l’humour et son engagement en faveur des jeunes humoristes, Mwami Balan est un artiste qui contribue grandement à l’industrie culturelle de la RDC.
David Kasi