Chronique : Ce pourquoi on doit arrêter de cracher sur le festival Amani !

Chronique : Ce pourquoi on doit arrêter de cracher sur le festival Amani !

Cette année, comme il est de coutume désormais, les organisateurs du festival Amani ont été la cible des critiques acerbes. On leur reproche d’organiser une rencontre de musique et de danse pendant que leurs compatriotes souffrent des affres de guerres, comme c’est le cas dans plusieurs territoires du Nord-Kivu sous occupation des rebelles du M23. Dans cette chronique, je vous donne plusieurs raisons de valoriser ce festival plutôt que de le faire disparaitre.

Par David Kasi

La neuvième édition a été unique. C’est la première, depuis la création du festival Amani, qui se tient en dehors de la ville de Goma. Le Gouvernement provincial a exigé sa non tenue dans la ville touristique au vu des incertitudes sécuritaires qui planent sur elle depuis plusieurs mois, avec les affrontements qui continuent entre les rebelles du M23 et les FARDC. A Bukavu, ou s’est tenu cet événement, la population locale a été dans une effervescence culture et artistique sans précèdent. La première tendance qui tend à confirmer que ce patrimoine gomatracien est envié par plusieurs villes du pays.

Ce n’est pas aussi pour rien qu’on l’appelle « le plus grand festival de l’Afrique Centrale ». Se trouvant dans une société ravagée par des conflits armés et des guerres à répétition, le festival Amani, qui met en symbiose la musique et la danse, offre une bouffée d’air frais et un espoir pour l’avenir. Il est la preuve vivante que la musique et la danse peuvent créer un espace ou les gens peuvent se rassembler et communier par-delà la guerre. Chaque année, c’est au moins 30 000 festivaliers qui participent à cette rencontre. 500 bénévoles, venus de différents coins du monde, sont dévoués pour la cause.

Cette cause, c’est pour demander la paix grâce à cette tribune que donne le festival Amani. De centaines de journalistes, locaux, nationaux et internationaux, sont accrédités chaque année pour couvrir cet évènement, devenu de plus en plus planétaire. La cause du festival Amani est célèbre pour l’amitié, la paix et la réconciliation qu’elle octroie aux peuples de la région des grands-lacs, meurtrie depuis plus de deux décennies. Il fonctionne comme un espace ou les gens, quelles que soit leurs cultures ou leurs identités, peuvent se réunir et partager leurs expériences de vie.

Des artistes locaux et internationaux se produisent chaque année pour un public cosmopolite situé entre différentes cultures et ethnies de la région.
Au festival Amani, le prix symbolique d’un dollar américain par jour, permet à chaque personne, peu importe sa classe sociale, d’assister au concert et plusieurs autres activités tenues sur le site. Le festival est une opportunité pour les festivaliers d’écouter des artistes méconnus et d’apprécier des styles musicaux variés. Cela corrobore les propos d’après-scène de la légende Reddy Amisi pour qui la venue au festival Amani a été motivée par le fait que « C’etait une occasion pour les compatriotes de se decomplexer en me regardant en chair et en os, car ils ont l’habitude de me suivre seulement à la télé ». Sur scène, ces artistes utilisent la musique et la danse comme une forme de résistance non violente à l’oppression et à l’injustice, en témoigne les propres dires du slameur Rwandais Manzi le Poète qui a clairement rappelé que « Nous sommes des activistes avant d’être des artistes« . Point besoin de revenir sur la prestation remarquable, à la saveur révolutionnaire du rappeur sénégalais Didier Awadi ce dimanche à Bukavu. C’est donc une occasion unique pour les artistes et le public de s’unir contre la guerre et le conflit, de montrer également aux yeux du monde la résilience qu’a le peuple du Kivu. La phrase de l’artiste français HK, au sortir de sa prestation mémorable également ce dimanche abonde dans ce sens. « Ce qui m’a le plus impressionné ici au Congo, c’est le sourire que les gens gardent malgré ce contexte de guerre. Chez nous en France, pour peu que ça, les gens en font des montagnes« , s’est-il agréablement étonné.

Le festival Amani, c’est plus qu’un festival de musique et de danse

Pour preuve, lors de cette 9e édition, une résidence artistique a réuni 11 artistes slameurs et rappeurs venus de la RDC, du Rwanda et du Burundi. Leur concert, nommé « Sl’amani », a prêché la cohabitation pacifique. Ces derniers ont chanté en Swahili, en français, en anglais, en Kinyarwanda et en Kirundi, les touts suivis d’un message d’espoir, de paix et de courage. « Le message que nous lançons aux présidents des pays de la région des grands-lacs est que, nous, peuples, sommes unis malgré ce qui se passe. A leur niveau, ils doivent aussi se battre pour la paix car c’est nous le peuple qui subissons ». Ces propos de la slameuse congolaise Patricia Kamoso, relayés par actualité.cd, ont démontré parfaitement le rôle central que joue le festival Amani, un événement pourtant apolitique. Le Festival reste cet espace d’expression qui donne la parole à plusieurs jeunes. Il ne mérite donc pas des insultes et de critiques négatives chaque année. Il mérite l’accompagnement, les encouragements. Quoi de mieux, pour un peuple meurtri, traumatisé que d’avoir 3 jours de sourires et des rencontres exceptionnelles à travers lesquels il fait passer les messages aux étrangers et aux médias de ce qui se passe chez eux et ses aspirations à une paix durable. Le collectif Goma Actif en est l’exemple parfait. Comme à la précédente édition, cette année, une dizaine de bénévoles se sont déplacés à Bukavu pour récolter les fonds en vue d’aider les compatriotes déplacés dans les camps au nord de Goma. Depuis plus de 110 jours, ils préparent de la bouillie et de repas aux enfants et aux femmes spécialement.

Il sied aussi de noter que le festival Amani n’est pas seulement de la musique et de la danse. C’est aussi une opportunité pour les entrepreneurs locaux de trouver des subventions et du coaching en rapport avec leurs projets. Pour l’édition qui vient de s’écouler par exemple, l’entreprise « Bing Ecologie » a remporté de 8000 dollars américains de la part du Festival Amani et ses sponsors. « Kivu Ecosolution » a gagné pour sa part 4000 et ETS RBM 2500 après le concours Amani Entrepreneur qui se tient chaque année en prélude du Festival Amani.

Une fois terminé, Amani Festival, comme son nom l’indique, laisse un sentiment d’espoir à la paix et un fort sentiment de fraternité.

Chroniques