RDC : « Je ne peux plus entrer dans un trou car beaucoup de mes amis y ont laissé la vie », témoignage poignant d’un creuseur artisanal

RDC : « Je ne peux plus entrer dans un trou car beaucoup de mes amis y ont laissé la vie », témoignage poignant d’un creuseur artisanal

Byiringiro Hamuli, 23 ans, est minier artisanal depuis 6 ans dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu, à l’Est de la RDC. Il œuvre dans le site de Gakombe, qui fait partie de 11 sites miniers « verts » qu’on a réouvert il y a une décennie. Sur ce site, on exploite de la cassitérite, du coltan, du manganèse et du Wolframite.

Le carré minier de Gakombe dans le territoire de Masisi, Nord-Kivu. Photo : Vickhy Batezi

Par David Kasi et Vickhy Batezi

Tout comme de centaines d’autres de sa contrée, Hamuli a été obligé de commencer ce travail en étant mineur. Il était âgé de 16 ans. Cette tendance de creuseurs artisanaux reste toujours d’actualité. En 2016, les ONG Amnesty International et Afrewatch avaient publié un rapport commun sur les conditions des travailleurs mineurs dans les mines artisanales de cobalt en RDC. Dans le document, les deux ONG soulignaient l’incapacité des autorités congolaises à règlementer l’exploitation minière artisanale et à assurer le respect des droits de l’homme dans les mines.

Pour le cas de Hamuli, à 16 ans, alors qu’il fait la quatrième année secondaire, il est contraint d’arrêter d’étudier. Son père, pasteur religieux de son état, n’était plus capable de subvenir à ses besoins scolaires et ceux de ses frères et sœurs. Etant l’ainé de sa famille, il doit aider sa mère à relever le défi. Il se réfugie alors dans les travaux miniers. Un choix qui va le conduire à sillonner plusieurs territoires du Nord et du Sud Kivu.

Le creseur artisanal Byiringiro Hamuli en plein travail dans le carré minier de Gakombe en territoire de Masisi, au Nord-Kivu. Ph: Vickhy Batezi

Entre échec et sacrifice, cette corvée va amener Hamuli à Rumbishi, au Sud-Kivu, pour le coltan, l’or et la tromaline, à Busuringi, dans le territoire de Walikale jusqu’à Kayirenge, à Masisi. « Je fais plusieurs semaines de marche à pied pour chercher les moyens », explique-t-il. « Tous ça pour aider ma famille à subvenir à ses besoins et surtout mon père pour ses soins médicaux ».

Pour Hamuli, être un creuseur artisanal n’a jamais été son rêve. Il s’est marié à 22 ans et est déjà père d’un enfant. Pour limiter les risques du travail, il ne descend plus dans les trous pour chercher les minerais. Il préfère superviser les travaux des autres même si cela rapporte moins. Son rêve est d’arrêter tout et venir à Goma, faire du commerce et subvenir normalement aux besoins de sa famille et surtout sa femme et son nouveau-né qui a maintenant 4 mois.

Le creseur artisanal Byiringiro Hamuli avec sa femme dans leur maison. Photo : Vickhy Batezi

« Il n’y a pas de l’humanité dans ce travail… »

Chez les adultes comme chez les enfants, les conditions de travail dans les mines sont déplorables. Ils travaillent sans relâche, certains font même une semaine dans les trous de 200 à 300 mètres sans en sortir sous les risques d’asphyxie ou d’éboulement, tout cela sans une mesure élémentaire de protection ou de sécurité. Ils sont rémunérés entre 2 et 10 dollars américains, selon les conventions et risques qu’ils entreprennent.

« Je ne peux plus entrer dans un trou car beaucoup de mes amis y ont laissé la vie », a-t-il témoigné avant de continuer : « Il n’y a pas de l’humanité dans ce travail. S’il y a éboulement de terre, vous mourrez carrément et les gens s’en foutent de vous. C’est la fin de votre existence et votre famille n’aura plus jamais de vos nouvelles »

Byiringiro Hamuli, à droite, avec deux de ses amis creseurs artisanaux dans le carré minier de Gakombe à Masisi, au Nord-Kivu. Photo: Vickhy Batezi

En 2018, le code minier de la RDC, révisé, comportait plusieurs innovations, entre autres, que les mineurs, donc les moins de 18 ans, autant que les femmes enceintes, ne seront plus tolérés ni dans les mines ni dans les carrières. Chose qui tarde, 4 ans plus tard, à se concrétiser. Les mineurs continuent à croupir et à charbonner, à leur risque. La cause serait le manque d’autorité adéquate pour aider ces enfants à privilégier la scolarité au dépend de ce travail à haut risque.

Les robots dans les mines comme solution ?

« Dans le secteur des mines artisanales, on estime plus de 10 millions de congolais qui dépendent de leur revenu des chaines de transport liées aux exportations minières » indique le ministère de mine en RDC. « Les creuseurs artisanaux de la petite mine exploitent essentiellement trois minerais, le coltan, le diamant et l’or. »

Un enfant avec la cassitérite en mains dans le carré minier de Gakombe à Masisi, au Nord-Kivu. Photo : Vickhy Batezi

D’ici 2030, les humains pourront faire place aux robots dans les mines, envisagent les minières canadiennes, qui aspirent à automatiser une partie de leurs opérations de forage et de transport de minerais. Une solution qui aidera sensiblement à réduire les cas de morts dans les mines en RDC, plus particulièrement dans la partie orientale. Entre temps, l’état congolais doit pratiquement lutter contre l’exploitation des enfants dans les travaux miniers et assurer la sécurité sociale des adultes voués à ces travaux.

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