Indépendance-RDC: 62 ans après, le vieux n’est toujours pas né (tribune)

Indépendance-RDC: 62 ans après, le vieux n’est toujours pas né (tribune)

30 Juin 1960- 30 Juin 2022, voilà jours pour jours 62 ans depuis que la République Démocratique du Congo a accédé à son indépendance. Un affranchissement acquis sur fond de sueur et du travail acharné de Patrice Emery Lumumba et contemporains mais dont la postérité peine jusque-là à manger les fruits.

Tribune de Gaethan KOMBI

Mine de rien, les ateliers se démultiplient, les conférences s’organisent à l’aube de chaque anniversaire d’indépendance, mais la recette reste la même, l’indépendance de la RDC n’est que chimère et saupoudrage. Les congolais, tels des rêveurs pantois, restent cloîtrés devant les perturbantes questions relatives à leurs propres raisons d’exister.

Tournés en bourrique comme dans la célèbre fable « Qui a croqué la lune? » Des interrogations basiques qui normalement, resonneraient en état normal comme des tabous font à l’ère actuelle les choux gras des chercheurs qui peaufinent des recherches dans ce sens.

62 ans, c’est carrément l’âge de la retraite dans plusieurs pays. Implicitement, notre pays, s’il revêtait un corps humain, il en serait déjà à son troisième âge. Bizarrement, les incertitudes sur sa réelle existence se posent toujours.
Ils sont nombreux ces congolais qui se demandent encore si leur pays en est un réellement. L’éternelle question de la « nationalité, » les guerres incessantes, l’économie de plus en plus agonisante et autres signaux noirs font que nous nous interrogions sur l’indépendance réelle de la République Démocratique du Congo.

L’État congolais et la dépendance assumée

62 ans après, ces sentiments de subordination politique existent toujours. Les séquelles de l’impérialisme dont la pierre angulaire consiste à imposer les dirigeants dans les pays en développement dans le cadre du placement politique gardent jusqu’à maintenant les dirigeants du continent, et plus particulièrement ceux de la RDC dans une forme de joug.

Après chaque élection, le premier geste d’un président élu en RDC consiste à faire le round de l’Union Européenne et des États-Unis afin de se chercher une légitimité. Le constat est que l’illégitimité populaire à l’intérieur du pays n’a aucun effet sur l’acceptation des nouveaux dirigeants par les pays puissants qui malheureusement en trouvent une forme de conformité avec leurs intérêts.
Cette caporalisation ne se limite pas qu’à ceux qui détiennent le pouvoir. L’opposition également fait pareil.

Alain Etchegoyen n’avait donc pas tort, dans son fameux « Démocratie malade du mensonge » quand il estimait que, « la seule différence entre ceux qui sont au pouvoir et leurs opposants, c’est juste le hasard du calendrier« . Autrement, tous sont les mêmes.

Ainsi, l’on entendra les opposants congolais, à chaque fois qu’il y a suspicion de trucage des élections ou tentative de glissement, crier au scandale en faisant appel à la communauté internationale. « Nous demandons à la communauté internationale, aux Etats Unis, à la France, à la Belgique…. de prendre leurs responsabilités afin de ne pas cautionner ce hold-up historique » était par exemple devenu le slogan de la coalition LAMUKA.
Comme si, la RDC, un État souverain soit-il, de surcroît indépendant depuis plus de 60 ans, était toujours soumis à une forme de rapport de subordination vis-à-vis des pays industrialisés.

Les mouvements citoyens dans le même bateau

Les mouvements citoyens s’embourbent également dans cette histoire. Vu que la RDC n’est pas encore un État avec toute sa masculinité, il faut militer pour l’effectivité de son indépendance.

Et pourtant, c’est le soutien de la communauté internationale qu’on exige. N’est-ce pas un dilemme d’enfants?
Sachant que cette communauté internationale est perçue, aujourd’hui, à en croire les idées du Professeur Paulin Ndabereye de l’université de Goma comme « une jungle, un jeu de billard sur lequel les États s’entrechoquent et les plus faibles ne font que subir les chocs. »

Cette représentation n’affirme-t-elle pas suffisamment que, l’indépendance de la RDC n’a jamais été souhaitée, ni par son ancienne métropole qu’est la Belgique, ni par d’autres grandes nations qui composent la communauté internationale? L’indépendance de la RDC ne pourra passer que par deux éléments à notre avis. « La consistance économique et l’incarnation de la terreur militaire. »

Un peuple sans autodétermination

La première étape de l’indépendance est d’abord le côté psychologique. L’individu se dit lui-même qu’il est indépendant de l’autre. De là, on peut user du concept “Affranchissement,” “se libérer d’un joug.”
Bizarrement, l’homme congolais ou l’homme noir en général, peine à revendiquer son égalité ou sa suprématie vis-à-vis d’un homme de couleur.
Et pourtant, plusieurs instruments juridiques internationaux, dont la Déclaration Universelle des Droits de L’Homme prônent cette égalité entre les êtres humains. C’est bien une question psychologique.

«La deuxième explication que nous avons tendance à donner pour rendre compte de l’état de notre pays perçoit ce problème de fond qui concerne la dévitalisation de nous-mêmes. Puisant souvent sa substance dans ce que les autres disent de nous, elle a compris que notre problème est quelque part un problème de personnalité, de modes d’être et de notre structuration mentale.

A ce niveau, nous avons tendance à nous accabler nous-mêmes de tous les maux du ciel et de la terre, de toutes les pathologies visibles et invisibles. L’Homme congolais nous apparaît alors dans ses maladies de l’être: son aliénation, son extraversion, son imbécillité, sa vénalité, ses paresses, ses carences mentales, ses irrationalités individuelles, ses illogismes communautaires et les enflures des atavismes qui l’empêchent de maîtriser les exigences de la modernité et de sa mondialisation triomphante. Nous parlons alors de nous-mêmes comme si nous étions des êtres de pacotille. Nous parlons de notre pays comme d’une nation de comédie, dirigée par des hommes sans caractère ni personnalité.

Nous nous délectons presque de nous décrire comme des hommes et des femmes de rien du tout, vivant et souffrant dans un immense vide et qui ne peuvent produire que du vide dans tous les domaines : le vide politique, le vide économique, le vide culturel, le vide éthique, le vide scientifique, le vide mental et tous les autres vides possibles et inimaginables. Si nous considérons l’ensemble du discours des Congolaises et Congolais sur le Congo depuis les quatre dernières décennies, nous serons étonnés de voir que notre prononcé global, pour parler comme Pierre Chenu, est dominé par le registre du négatif concernant le regard que nous portons sur nous-mêmes et notre personnalité. Depuis l’homme de la rue jusqu’aux doctes producteurs d’idées et de pensée, nous nous considérons globalement comme des êtres en pleine décomposition, dépourvus de logiques et incapables de construire un pays digne de ses richesses naturelles.» écrivait le feu Professeur Kä Mana dans l’une de ses ouvres intitulée, ”Pour notre puissance créatrice : Développer le génie de l’intelligence congolaise en Afrique et dans le monde.”

Un paragraphe important qui démontre l’état d’intériorisation dans lequel se suspend l’homme congolais lui-même face à l’impérialisme, et qui fait que, 62 ans après l’accession à l’indépendance, l’on continue encore à se poser des questions sur notre réelle capacité à faire prospérer la RDC.

Il y a encore du chemin à parcourir, mais jusqu’à quand sortirons-nous de cette apathie?

30 Juin, Indépendance Cha-cha et après…?

Tribune