Conflit rwando-congolais: attention, on touche déjà le fond… (Tribune)

Conflit rwando-congolais: attention, on touche déjà le fond… (Tribune)

Il s’observe, depuis la reprise des hostilités et de l’activisme violent des terroristes du M23 dans une partie de l’Est de la RDC, une forme de méfiance tribale.
Les revendications patriotiques, le regain du chauvinisme et l’esprit du clocher prennent leur envol et concommitamment, la xénophilie, une valeur reconnue aux congolais s’effiloche davantage. Triste réalité!

Tribune de Gaethan KOMBI

Une chose est sûre: la guerre de l’Est de la République Démocratique du Congo, qui connait un nouveau feuilleton avec le retour en fanfare du Mouvement du 23 Mars, jadis défait (en 2013) avec l’implication de plus en plus avérée du Rwanda, constitue aujourd’hui le point déclencheur de l’aversion qui prend corps dans le chef des citoyens congolais vis-à-vis de leurs voisins rwandais.

Un peuple monté contre un autre

La révolution populaire congolaise est claire et nette. Tous unis autour du fameux slogan « Bendele Ekweya te » (que le drapeau ne tombe pas), une manière également de venir en soutien aux Forces Armées de la République Démocratique du Congo, les congolais de tous bords ne rêvent que d’une chose: « en finir avec les agresseurs rwandais« .

Si ce déclic patriotique congolais autour de la seule chose qu’il y a en commun, « la RDC » ne fait l’ombre d’aucun doute, il serait incongru de minimiser l’importation de la manipulation politicienne.
En quête de repositionnement, à un virage si décisif de la politique congolaise où l’on se rapproche à grands pas des élections générales, nombreux sont les aspirants politiques qui se saisissent de la situation actuelle pour se trouver un « électorat de substitution ».

Hélas, les conséquences de ce qu’on qualifierait de « récupération politicienne » est dans une certaine mesure: « les discours de division pullulent. »
Des tribunes appelant au lynchage des populations aux morphologies nillotiques, des propos incitateurs à la haine et à la méfiance vis-à-vis des peuples d’origine rwandophone gagnent du terrain et semblent, au vu du contexte tendu entre les deux pays, facilement intériorisés par les bases populaires.

Et pourtant, adepte de la religion que nous sommes, nous pouvions au moins nous rappeler de l’avertissement que Jésus Christ avait donné à ses apôtres. «Prenez garde que personne ne vous séduise…. Une nation s’élèvera contre une nation et un royaume contre un royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des tremblements de terre» peut-on pieusement lire dans Mathieu 24, 4-8.

Telle une infime tâche blanche dans le noir, une petite bougie dans un blackout total, les non-drogués montent au créneau pour tenter désespérément d’éviter la déferlante xénophobie. On peut entendre d’une voix basse, dans un spectacle de « lapidons-les, » un citoyen rationnel qui en appelle à l’apaisement et au non acharnement contre les « congolais » aux ressemblances rwandaises.

La loi de Moïse dans une solidarité mécanique

« Ils tuent nos frères, tuons les également. » Cette phase se consomme telle de l’eau dans la ville de Goma (frontalière directement avec le Rwanda) et partout en RDC.

Une solidarité mécanique autour d’une forme de loi de Moïse dont les exécutants ne maîtrisent guère malheureusement les contours.
Qui saura dire à cette foule éprise par le sentiment de lynchage d’autrui que toute personne longue de taille, mince et au nez long n’est pas forcément rwandaise ou agresseur du Congo?

Dommage que ceux qui sont censés apporter cette éducation citoyenne à ces populations envenimées, se mettent davantage à enfoncer le clou pour s’attirer la sympathie de la foule. « Pilate livra Jésus à la justice populaire de peur que son autorité soit contestée« .

À l’image de cet appel lancé par quelques Kinois, du haut d’une tribune pour aller pourchasser toutes les personnes au long nez dans la capitale.

Les FARDC aux champ d’honneur

Le bord du précipice

Avec tous ces constats, l’on est en droit de s’interroger sur ce qui pourrait suivre. Si un officier de la police, lors d’une parade, mobilisait la population de Goma à prendre des manchettes en cas de poursuite d’hostilité, le langage des habitants de la ville touristique n’en dit pas le contraire.

Les manifestations dites pacifiques du mercredi 15 Juin ont mis au clair les intentions des uns et des autres. Oui, comme le disaient William Bole, Drew Christiansen et Robert Hennemeyer dans le livre « Le Pardon en politique internationale: »

« Les vengeances et les représailles peuvent, quelquefois, par un effet de carthasis soulager le sentiment de rancoeur, » les manifestants, outillés de bâtons… s’en prennent aux boutiques appartenant aux personnes rwandophones et certains sont même allées jusqu’à se livrer aux actes d’agression individuelles contre elles.

Des dérapages qui créent aujourd’hui une psychose et une forme d’appréhension pour toute personne aux traits et ressemblances nillotiques.
La masse n’a pas d’âme, il faut donc éviter de se faire lyncher. Congolais ou pas, nous en sommes au stade où, il faut plus qu’une carte d’identité congolaise pour te réclamer de la nationalité de Lumumba. Il faut premièrement ne pas avoir un quelconque trait avec les habitants du pays « agresseur. »

Au vu de la mensuration inquiétante que prend cette situation, nous ne cessons depuis lors de redouter une déferlante dont le point culminant pourrait être un spectacle déshonorant d’épuration ethnique.
Si les échanges de tirs mortels de ce vendredi 17 juin 2022 entre militaires et policiers commis aux frontières de deux pays et la suspension des accords conclus entre eux confirment la rupture totale de confiance entre la République Démocratique du Congo et son voisin rwandais, les deux peuples fleurtent déjà avec un accrochage et on n’a pas besoin des lunettes pour faire ce constat.

Tribune